Cessez de nourrir ces robots

Le livreur apporte le repas. On n’a rien à préparer et l’on peut rester assis, immobile, sédentaire. Tant qu’on lui donnera de l’argent, le livreur reviendra avec la nourriture.

Sans vous en rendre compte, c’est ce que vous êtes en train de devenir. Leurs livreurs.

Qu’il fasse soleil, qu’il pleuve ou qu’il neige, vous partez de chez vous pour vous rendre dans la tanière d’un robot, comme des esclaves. Selon un rituel bien précis, vous déposez un biscuit de plastique sur les lèvres du robot. Peu importe la saveur, il s’empresse de l’engloutir sans mâcher. Vous lui faites ensuite quelques chatouillis électroniques sur le ventre et il vous remercie en vous donnant quelques billets verts. Parfois, vous lui donnez même un dessert-surprise, emballé dans une enveloppe en papier.

Les robots, lorsque bien nourris, se multiplient. Remarquez comme il y en a de plus en plus. C’est une invasion.

Pour l’avenir de la race humaine, laissez-les mourir de faim.

Elles seront répondues

Ils surveillent nos pensées en captant nos ondes cérébrales. Tout ce qui nous passe par la tête est décodé puis envoyé dans une de leurs centrales d’analyse cyberneuronique.

Mon blogue partage quelques connexions avec leur réseau. L’interface me permet de voir les questions que les gens se posent à propos d’eux.

Voici mes réponses à quelques questions. (attention, les décodeurs d’ondes cérébrales ne donnent pas toujours des phrases claires)

Q: comment -on reconnaitre un papillonsde

R: Le papilonsde (un seul « l ») ne voyage jamais dans notre dimension sans son animal de compagnie, le chienille. Vous pouvez aussi le reconnaitre la nuit. Il dort dans son concombre.

Q: cheveux plomberie salon de coiffure

R: Si vous trouvez que votre plomberie a les cheveux trop longs, évitez de l’amener au salon de coiffure. Ils profiteraient de votre absence pour inonder votre appartement. Faites-lui simplement une tresse en drain français.

Q: comment sortir une mouffette

R: Ils ont procédé à beaucoup d’expériences génétiques sur les humains. Vous avez des gènes hybrides et c’est pour cela que je ne porterai pas de jugements sur vos fréquentations. Le meilleur endroit pour sortir votre moufette chérie serait dans un restaurant chic et très dispendieux. L’argent n’a pas d’odeur.

Q: piége à souris cage

R: La capture est toujours un moment tragique. Il existe toutefois des méthodes précises pour s’échapper de n’importe quelles prisons mutantes. Une fois derrière les barreaux poilus de la souris-cage, vous n’avez qu’à crier pour qu’elle vous libère. Un cri persan, comme le chat. Par prévention, n’utilisez jamais le parmesan comme déodorant.

Q: ils seront

R: Vaincus.

Cuir à point

… suite de État de siège

Le fauteuil me garde toujours coincé dans sa gueule. Je suis assis dans le creux de sa langue rembourrée, sa luette molle contre mon dos. Mes mains agrippent ses gencives édentées en forme d’appuis-bras. Je sens la texture râpeuse de sa peau brune sous mes doigts.

Pendant que je me fais mâchouiller, la femme me dévisage, ses yeux ouverts aussi grand que son appétit.

— Vous pouvez me dire ce qui vous tracasse…

Ce qui me tracasse? À part le fait d’être sur le point d’être dévoré par un fauteuil de cuir affamé?

C’est flatteur d’être appétissant, je le reconnais. Ce qui me déplait, par contre, c’est d’être perçu comme le plat principal. J’ai toujours eu l’impression que j’étais plutôt un dessert. La petite douceur qui suit la pièce de résistance. Je veux être mangé par gourmandise, pas parce que je suis recommandé par le Guide Alimentaire Martien.

— J’aimerais mieux être un gâteau.

La femme dresse un sourcil. Elle baisse ensuite son regard vers son calepin un bref instant avant de me regarder à nouveau. Elle alterne ainsi trois autres fois.

Le gâteau n’est pas au menu, ce qui semble la perturber. Le fauteuil cesse de me grignoter.

Pour survivre, il faut savoir profiter de la moindre ouverture. Comme celle-ci.

Je m’extirpe de la bouche bée en plongeant vers l’avant. La porte est encore loin. Le fauteuil obèse n’arriverait jamais à me rattraper, mais la femme hybride est armée d’un stylo engourditronique. Du bout des doigts, elle l’oriente lentement dans ma direction. Le canon à bille est sur le point de me paralyser. Le fauteuil attend pour prendre une bouchée.

J’arrache des mouchoirs d’une boite qui traine sur une petite table. J’en lance une demi-douzaine dans les airs, de façon à former un écran flottant entre le stylo et moi. La femme hoche la tête de façon négative en brandissant son arme. Le rayon invisible est toutefois dévié par mon bouclier à trois épaisseurs doux pour le nez. Le fauteuil, entre deux gargouillis, fait une moue déçue.

Je ne suis pas un plat principal. Je ne suis pas une entrée. Et c’est le moment de faire ma sortie.

J’effectue une roulade en direction de la porte.

— Bon appétit, dis-je en m’échappant de la pièce.

Car, avec tout ça, j’ai un petit creux.

État de siège

Le fauteuil de cuir grince pendant que mes fesses s’y enfoncent confortablement.

Avant de m’assoir, je n’aurais jamais imaginé que le coussin aurait été aussi profond. C’était comme si une peau avait été tendue autour d’une masse de rien vide. Je flottais sur une bulle antigravitationnelle.

— Parlez-moi d’eux. À quel moment ont-ils commencé à vous pourchasser?

La femme s’exprime avec un débit lent, sans me regarder. Ses yeux baissés fixent un calepin déposé sur ses genoux. Quelques notes y sont griffonnées, mais je me trouve trop loin pour les lire. Par contre, sur le mur à côté de moi, une douzaine de diplômes sont affichés à une distance de lecture raisonnable. Université. Certificat. Maitrise. Mentions.

Le fauteuil couine encore. J’ai l’impression que je continue à m’y enfoncer.

— Alors?

Elle lève les yeux et me regarde avec insistance. Peut-être a-t-elle soupiré, mais j’ai de la difficulté à bien entendre avec ces grincements de fauteuil. Ces ronronnements de fauteuil. Ces gargouillis de fauteuil.

Il m’avale lentement.

Sa gueule capitonnée se referme sur moi. Il se prépare à planter ses crocs dans mon… Oh. Mais non. Cette fraction de seconde de panique m’a empêché de bien réfléchir. Le fauteuil est une créature confortable. Ce confort sert à ramollir sa proie, car il n’a justement pas de dents.

Ce n’est toutefois pas une raison de me détendre. L’acide gastrique m’attend dans son estomac.

— Prenez votre temps. Vous parlerez quand vous serez prêt.

Et qu’est-ce qu’elle me veut, elle? Je ne peux pas penser à comment me faire régurgiter en paix?

« Quand vous serez prêt. »

Encore une fois, je n’ai pas bien entendu à cause de la mastication grinçante. J’ai dû me repasser sa phrase dans ma tête. Prêt. Je comprends pourquoi le fauteuil ne mâche pas vite. Je ne suis pas cuit!

Les gribouillis sur le calepin, c’est la recette!

S’il vous plait, ne me mangez pas.

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Conseils vitaux – Supermarché (partie 2)

… Suite des conseils de dimanche dernier

6— Attendez que quelqu’un nourrisse les robots-gardes rectangulaires avec des canettes. Ils courent moins vite le ventre plein.

7— Achetez huit articles ou moins. En situation de fuite, vous quitterez le supermarché plus rapidement en passant par la caisse express.

8— Des tuiles impaires de l’allée numéro 4 sont piégées. Le commis nettoie le plancher pour effacer les traces d’explosion de la victime précédente. Observez le motif et sautez une tuile sur deux. Pour sauter avec plus d’aisance, achetez des produits légers.

9— Les mutentacules nains vivent dans des huttes de boites. Lorsque vous prendrez un produit vedette de son empilage de présentation, allez-y délicatement pour ne pas les réveiller. Ils mordent.

10— Méfiez-vous du bocal de cornichons sucrés.