Deux yeux crèvent la surface calme de l’eau.
Le gardien du parc se cache dans cet étang. Ses yeux minuscules, de la taille de pois, lui permettent de sonder les environs en secret, pendant que son énorme corps flasque repose dans la boue verte du fond. Lorsqu’il recevra le signal, un de ses quarante-douze tentacules s’enfoncera dans le sol, avant de jaillir d’un buisson pour attraper sa cible.
J’évite toujours les buissons. Pour me capturer, une solution de rechange est requise.
Une petite embarcation surgit de derrière un bouquet de quenouilles. Elle a la forme d’un sous-marin miniature dont la proue est dotée d’un périscope à plume. La technologie du moteur aquatique permet une navigation furtive et laisse amplement d’espace dans la cale pour la bourrer d’explosifs palmés.
L’engin se dirige vers le banc où je suis assis. Les yeux globuleux du gardien batracien m’observent sans cligner. Autour, tous les nénu-phares éclairent dans ma direction.
Je jette un coup d’oeil par-dessus mon épaule. Aucun doute, la cible c’est bien moi. Il n’y a personne d’autre dans le coin coin. Le sous-marin kamikaze approche de la rive sans émettre un son. Le bruit viendra quand il fera exploser mes pieds pour m’empêcher de fuir. Assis sur mon banc, je suis une victime facile.
La meilleure défense est parfois l’attaque.
Je me mets donc à lui lancer des morceaux de pain. De toutes mes forces. J’espère bosser sa carrosserie ou endommager son radar. Mes projectiles ne font toutefois que glisser sur ses plumes. La seule chose que je suis parvenu à faire, c’est de l’agacer.
Du renfort.
Une dizaine d’autres navires arrivent à la rescousse. Le gardien disparait sous la surface pour laisser place à sa flotte. L’alerte est sonnée. Les klaxons de guerre retentissent.
Je me mets à couvert derrière le banc. L’armée atteint la rive. Je continue à les canarder de morceaux de pain. Ils sont trop. Je dois encore fuir.
J’en ai mare.