Circulation de feu

La girafe neutronique scrute la nuit avec ses deux grands yeux rouges. La tête au-dessus de la rue, elle attend qu’un piéton traverse pour le happer au passage. Une seule bouchée.

Ce prédateur urbain est parfaitement adapté à la ville. La peau grise de son cou lui permet de se camoufler parmi les édifices de béton. Sa queue tentaculaire prend l’aspect d’une fissure dans l’asphalte. Ses griffes grattent la rue comme des papiers virevoltant au vent. Son pelage beige se mélange à l’herbe jaunie du terre-plein.

Mais moi je l’ai vue.

Je me trouve téméraire. Les faits divers rapportent souvent des accidents aux intersections. Combien de personnes ont péri ou ont subi des blessures sérieuses en osant mettre le pied sur le territoire de chasse de cette bête? Je devrais rebrousser chemin, trouver une autre route. Je refuse toutefois de changer d’itinéraire à cause d’une de leurs créatures.

Je ramasse un caillou et fais un pas dans sa direction. La girafe pose ses yeux carrés sur moi. De la bave multiphasique, invisible à l’oeil nu, dégouline de sa gueule et s’écoule par la bouche d’égout placée judicieusement juste en dessous.

J’attaque.

Je lance mon caillou d’un mouvement vif. Le projectile vole vers la nuque de la girafe. La trajectoire est précise. La vélocité est optimale. L’angle d’impact est parfait.

Et le caillou rebondit sur la carapace métallique.

Je n’avais aucune chance de la blesser. De toute façon, je doutais même d’arriver à l’égratigner. Pour lui faire des dommages, il aurait fallu que je l’attaque à coups de matraque antimatière ou de bulldozer, et ce n’est pas le genre d’arsenal que je traine dans mes poches. D’un point de vue strictement offensif, ce que je viens de faire est d’une futilité absolue.

Sauf que j’ai perturbé son appétit. Agacée, la créature retrousse son nez vert. Son regard se tourne ailleurs, me donnant l’occasion de me faufiler de l’autre côté de la rue sans risque.

Il ne me restera plus qu’à déjouer le tigre à dossier tapi derrière l’abribus.

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5 commentaires sur “Circulation de feu

  1. @solosesso: Vous aimez la viande de girafe? J’aurais pensé qu’elle était empoisonnée.

    @Cannelle: Assurez-vous d’avoir vos notes lorsque vous approcherez une rue.

  2. Une girafe? Moi je l’appelle le cyclope. Il y en a un qui me surveille en permanence, presque sous ma fenêtre. Il est invicible, sans coeur et sans âme; seul son oeil unique, changeant de couleur témoigne de ses humeurs. Le rouge signifie DANGER, et si tu oses m’approcher, ta vie est en jeu.

    ILS sont partout, impossible de leur échapper. J’ai peur!

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