De retour.
Hier soir, je suis enfin sorti de chez moi. J’ai d’abord pris une grande inspiration. L’air froid me faisait coller les narines, mais c’était un air nouveau que je redécouvrais. Un paysage monochrome d’écorce grise sans feuilles et de dunes blanches sans fleurs m’encerclait. Un vent sourd tentait de souffler sans faire de bruit. L’hiver m’attendait.
Et eux aussi.
Dans la neige longeant le trottoir, des symboles cabalistiques avaient été tracés à l’encre jaune. Les runes brulantes avaient percé la croute glacée. Si je posais le pied à côté, le pentagramme encore frais convoquerait une bête hybride à tête de chien et au corps canin. J’entendais des démons aboyer des incantations dans la nuit. S’ils croyaient me recapturer dès ma première sortie, ils se trompaient.
J’ai fait demi-tour.
Mais je suis futé. Au lieu de retourner chez moi par le trottoir, j’ai décidé de prendre un raccourci en traversant le terrain sur la surface de neige tout à fait lisse. J’avais toutefois à peine commencé à marcher que, déjà, j’entendis quelque chose de louche. Chacun de mes pas était accompagné d’un bruit croustillant. J’ai arrêté de marcher. Silence. J’ai fait un autre pas. Dès que ma botte toucha le sol, le bruit se reproduisit. Arrêt. Rien. Deux pas, deux crounches.
J’étais suivi.
Plongeon. Une culbute de côté dans une petite butte poudreuse. Toujours aussi agile, je venais d’esquiver l’attaque d’un robot invisible. J’ai cligné des yeux pour déloger les cristaux blancs de mes cils et j’ai scruté les alentours. Rien. Le robot invisible était donc encore là. Je pouvais d’ailleurs voir dans la neige ses empreintes de pas qui partaient du trottoir et venaient jusqu’à moi.
Je me suis relevé d’un bond. La porte de chez moi était tout près. Les yeux bien ouverts, je me suis dirigé vers elle en reculant, à la recherche de la moindre ondulation qui trahirait la présence du photobot. Mais la vision ne suffit pas contre un tel adversaire. Il faut aussi compter sur l’intuition.
J’ai évité un coup en penchant la tête. Un autre en courbant le torse. La porte de chez moi se rapprochait et je continuais à reculer en me battant à l’aveuglette. Ce modèle de robot n’étant pas fait pour de longues luttes hivernales, sa pile était sur le point d’être vide. Je savais qu’il allait bientôt abandonner le combat. J’ai sauté à pieds joints par-dessus la grande lame invisible de son sabre mercurien. Pivoté sur ma droite pour échapper à son faisceau neutronique. J’étais beaucoup trop adroit pour lui.
Puis rien. Le robot était parti aussi soudainement qu’il était arrivé. Je voyais ses traces dans la neige. Des traces qui s’éloignaient de moi. J’ai couru jusqu’à chez moi, sans reculer cette fois.
Même après des semaines de captivités, les choses n’ont pas changé.
Je suis toujours traqué.
Traqué ou pas je suis bien contente de voir/lire que l’auteur de ce blogue (ça c’est vraiment un mot horrible, je suis sûre que ce sont EUX qui l’ont inventé) est de retour dans le monde normal (?) habité seulement par des humains (dé)traqués. Car je suis certaine aussi d’être suivie.
Hier soir, une ombre gigantesque marchait derriére moi, et il m’était impossible de la semer. Je crois que les rues sont truffées de caméras, à travers les boules jaunes au-dessus de nos têtes, chaque côté de la rue. ILS nous observent.
J’étais bien contente de revenir à la maison, mais en voyant mon chat m’accueillir à la porte, j’ai remarqué le même éclat jaune dans ses yeux. Je crois qu’il est l’un d’eux…
@Lise, qui n’a pas de blogue: Ils vous suivent, je n’en doute pas. À propos de votre chat, cet éclat jaune dans ses yeux est inquiétant. Faites des tests. Demandez-lui de japper. Faites-lui manger du brocoli. Flattez-le à rebrousse poil avec une brocheuse.