Je dévale les escaliers, et saute même la moitié de la dernière volée. Je me précipite à toute allure vers le quai. L’écho de mes pas sur les tuiles orangées se perd dans la station. Le métro arrive et je déteste rater le métro.
Quand je cours comme ça, j’ai parfois une pensée pour ces pauvres gens à mobilité réduite. J’aimerais pouvoir partager la puissance musculaire de mes jambes avec eux. Leur donner la chance de courir, et d’éviter de rater un métro par quelques secondes…
J’arrive sur le quai au même moment que l’ouverture des portes. Les gens s’écartent poliment pour laisser sortir quelques passagers.
Un vacarme métallique retentit. Un homme, visiblement pressé, vient de renverser le contenu de son sac sur le plancher du wagon. Cet incident est survenu comme il s’apprêtait à descendre du métro, bloquant donc momentanément le passage à ceux qui voulaient y monter. Il se penche rapidement pour ramasser ce qu’il vient de faire tomber, mais cela n’a pour effet que de répandre davantage de petits morceaux dans une avalanche de cliquetis. Un passager impatient l’enjambe presque et va s’assoir sur un siège libre. Les portes sont sur le point de se refermer.
L’homme abandonne alors son dégât, et disparait à la hâte par les escaliers. Je peux maintenant monter à bord et, surtout, remarquer ce qui est tombé de son sac.
Des pièces de monnaie.
Le plancher de cette section du wagon est recouvert de dizaines de pièces de monnaie de toutes les valeurs. Il doit y avoir pour près de dix dollars! Les portes se referment et le métro quitte la station.
Les passagers et moi fixons tous ce riche tapis. Mais personne n’ose ramasser quoi que soit. Nos regards interrogatifs se croisent brièvement, avant de retourner contempler ce mini-trésor imprévu. Les sous restent orphelins.
J’avais compris l’astuce. Tout cet argent est un piège savamment installé par un de leurs agents qui a simulé de les laisser tomber avant de descendre du wagon. Une personne normale n’aurait pas laissé un tel montant derrière. Ces pièces de monnaie éparpillées sont en fait des micro-mines. Leur charge, même aussi petite, ferait exploser les doigts d’un avare qui voudrait s’en emparer, ou attendrait d’être rangée dans une poche avant de faire ses ravages.
Et je ne suis pas le seul à avoir compris. Tous les autres passagers se tiennent loin de ces pièces de monnaie. Nous nous jetons des coups d’oeil furtifs, ces brefs contacts visuels étant comme une forme d’approbation. Sans nous parler, nous savons qu’il faut éviter de se faire prendre au piège. Mais je reconnais leur tactique. Même si nous sommes plusieurs à bord, ces explosifs me sont destinés.
Je dois donc de descendre à la station suivante. Il ne faudrait pas qu’une pièce de vingt-cinq cents décide de rouler jusqu’à moi pour ensuite bondir sur ma jambe et exploser mon genou. Ou une pièce de un dollar qui réussirait à se loger sous la semelle de mon soulier, attendant le moment idéal pour me transformer en unijambiste.
Le métro arrive à la station suivante. J’étais déjà debout, et je descends dès que les portes s’ouvrent. De nouveaux passagers montent à bord, et je vois leurs yeux se poser sur les dangereuses pièces de monnaie. Personne ne semble encore toutefois prêt à s’en emparer.
Le métro quitte la station et je suis seul sur le quai. Je dois attendre le prochain métro, comme si j’avais raté celui-ci à ma station.
Courir n’est finalement pas toujours un avantage.
Moi je laisses toujours le change à terre car je me dis qu’il y a quelqu’un qui en a plus besoin que moi….
Est-ce que ce serait un piège que j’évite aussi???
:S
L’imagination nous joue souvent des tours et nous rend la monnaie de la pièce et que ce soit monnaie courante où pas, faut pas céder à la tentation de s’enrichir au dépens du destin qui nous le fera payer encore et encore.
Changer le destin c’est parfois payant toutefois. Ah….. quel dilemme!