J’ai onze articles. Trois de trop pour la caisse express à huit articles. Je me place donc en file pour la caisse express à douze. Ça devrait quand même aller assez vite.
À côté de moi, une femme et un homme comptent dans leur panier. Je veux bien respecter la vie privée de ce couple, mais ils parlent assez fort que j’entends tout.
— … neuf, dix, onze, douze. Douze, chérie! annonce l’homme avec enthousiasme.
— On va se mettre en file là, répond la femme en pointant derrière moi.
— Bah non… On va dans celle à huit articles. De toute façon, on n’en a pas beaucoup plus. Ça va aller plus vite.
Ça me fâche un peu d’entendre ça. Le personnel de l’épicerie prend soin de réserver des caisses selon certaines quantités pour faciliter et accélérer le service aux clients. Je ne peux pas m’empêcher d’intervenir.
— Vous avez une fois et demie trop d’articles pour passer à cette caisse!
L’homme et la femme sourient.
— Bah… C’est pas grave! dit l’homme en me faisant un clin d’oeil.
Le couple baisse les yeux vers mon panier, comme pour compter ce qui s’y trouve. Des tomates, du baloney, des biscuits aux pépites de chocolat… Je sais, c’est n’importe quoi. Onze n’importe quoi!
L’homme me fait un autre clin d’oeil et penche ensuite la tête sur le côté. Une suggestion silencieuse à venir me placer derrière lui.
— Est-ce que la caissière va vraiment compter combien d’affaires on a dans notre panier?
Il parlait à sa femme, mais sa réplique s’adressait à moi. Même elle me regarde. C’est évident que le couple veut que je me place en file derrière eux, malgré mes trois articles excédentaires. Dans le fond, ils ne faisaient rien d’illégal et cherchaient en plus à m’aider. La caissière aurait sans doute laissé passer, sans rien dire, cette infraction au code de l’épicerie.
La caissière avec les dents de métal.
Je comprends maintenant pourquoi le couple s’est donné tant d’efforts pour me faire changer de file. La caissière est une de leurs machines de guerre, camouflée sous un costume en peau humaine. Elle a entrouvert la bouche juste assez pour que je puisse apercevoir les parties mécaniques sous son déguisement. La vitesse à laquelle elle passe les articles devant le lecteur optique est aussi une preuve flagrante de son héritage robotique. Et probablement que son lecteur optique sert aussi de dépeceur laser téléguidé. Les sacs de plastique permettent le transport des morceaux juteux de ses victimes.
J’envoie un sourire poli au couple et reste bien planté en ligne vers la caisse express à douze.
— Un commis d’épicerie demandé à la caisse deux.
Ils appellent du renfort! La deux, c’est justement celle où je me dirige!
Je garde mon calme et je quitte lentement la file. Les roues du panier couinent un peu, mais, au moins, elles ne bloquent pas. Je m’engage ensuite dans l’allée des trucs pour le petit déjeuner. Un commis d’épicerie passe à côté de moi et je tourne la tête pour qu’il ne me reconnaisse pas. Je ramasse, un peu au hasard, une boite de céréales multicolores, un pain aux raisins et un pot de poudre de lait au chocolat instantané. Mon panier compte maintenant trop d’articles pour passer aux caisses express. Impossible pour eux de s’en prendre à moi maintenant!
Ouf!
Je n’aurais jamais pensé un jour les déjouer grâce à un toucan bleu, trois chefs cuisiniers dodus et un lapin brun!
Le mélange du lapin brun et des trois chefs cuisinier dodus est généralement délicieux… Et ce n’est pas pour vous empoissonez! 🙂
Quel robot bas de game en plus… voir si vous, l’expert, n’auriez pas remarqué des dents en métal!!
C’ets pas avec des robots comme ça qu’ils vont vous avoir…
Les épinards sont passées où dans tout ça???
@Yark: Ce n’est pas pour m’empoisonner… D’accord. Mais je devine le piège… En mélangeant ces ingrédients, il y aura plutôt une réaction chimique, explosive et violente…
@KattyLame: Pfff! Ce n’est pas avec aucun type de robots qu’ils vont m’avoir
@Souci Jaune: Vous êtes folle. Les épinards sont riches en fer. Si j’en mange, ils pourront s’en prendre à moi avec des électro-aimants.
Yark?? Beau lapsus, merci! :p
Certains laissent croire que la boite du toucan est plus nutritive que son contenu multicolore. Devrait-on s’en méfier?
Cette caissière était beaucoup trop dangereuse. Avec ses dents de métal conducteur et votre consommation de tomates, je n’ose imaginer l’arc électrique qui aurait pu survenir à son contact. Ouf !
Bah! La caissière n’était qu’un ouvre-boîte électrique! Tu as paniqué pour rien!
La leçon du jour : Toujours se méfier des couples qui insistent pour qu’on les suivent… 😉
@Tordumensionnel: Il faut TOUJOURS se méfier.
@Mademoiselle Bris: Il y avait d’ailleurs des tomates dans mon panier. Vous êtes futée. J’aurais pu m’en servir comme moyen de défense.
@Betyse: Je n’ai pas paniqué. Et un ouvre-boite, c’est une arme très puissante quand on sait s’en servir!
@V: Bonne observation. Les couples ont l’avantage numérique.
Cher collègue traqué,
Merci pour la belle soirée à parler stratégie dans un café sympa, mais nous avons agi en amateurs! Nous avons été chanceux qu’ils aient été occupés ailleurs puisque nous n’avons pas été sur nos gardes.
La lenteur de la préposée à préparer mon breuvage aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Nous étions près du comptoir, à attendre. Elle aurait eu amplement le temps de nous asperger de vapeur empoisonnée à l’aide de l’arme dissimulée de façon ingénieuse dans sa machine à espresso. Ce devait être une recrue qui ne maîtrisait pas encore l’art de s’attaquer à des proies telles que nous.
Ensuite, nous nous sommes assis dans des fauteuils beaucoup trop confortables. Ils voulaient nous garder à leur merci plus longtemps et endormir nos réflexes. Et comme si ce n’était pas suffisant, nous tournions le dos à la porte, et les brindilles décoratives qui séparaient notre section de l’entrée étaient sûrement en équilibre précaire en attendant de nous tomber dessus et de dévoiler leur vraie nature de plantes carnivores.
Plus tard, quand j’ai fait un tour aux toilettes, j’ai agi comme une proie facile en remarquant l’humour dont fait part le café en remplaçant la tête des petits bonhommes sur la porte des toilettes par des tasses de café fumant. Bien sûr, cette blague est très drôle… pour eux!
En y regardant de plus près et en décodant l’image, on peut y voir une menace claire: en fait, ils illustrent les méthodes pour nous anéantir. J’ai eu de la chance qu’ils ne me fassent pas exploser la tête, n’en laissant que la moitié inférieure, une seule oreille, et de la fumée résiduelle. Ce n’était pas l’image d’une tasse, mais bien d’une tête mutilée que les pictogrammes montraient!
En terminant, cher collègue, si nous devions refaire une telle rencontre, il faudra être sur nos gardes la prochaine fois! Si nous le sommes, alors, oui, ils seront vaincus!