Parfois, leurs déguisements sont bien réussis. Ils parviennent ainsi à s’approcher de moi, malgré mon oeil exercé. Cette journée, l’illusion était parfaite, jusqu’à ce qu’il m’adresse la parole.
— Vous parlez français.
Vous voyez? Ce n’était pas une question, mais bien une affirmation! Comment savait-il que je parlais français? La proportion d’anglophones dans le quartier où j’étais est assez élevée, et nous étions en plus en haute saison touristique. Ce n’était pas un coup de chance. Il savait qui j’étais.
Sa tête était plus échevelée qu’une botte de foin explosée. Il lui manquait deux ou trois dents, et probablement qu’elles s’étaient enfuies d’elles-mêmes pour échapper à l’haleine décapante. Ses vêtements étaient tellement crouteux qu’ils devaient maintenant être imperméables. Mais ça n’aurait servi à rien. La forte odeur d’urine fermentée qu’il l’accompagnait agissait comme un champ répulsif capable même d’éloigner la pluie. Et cela devait aussi expliquer pourquoi il avait l’air de ne jamais s’être lavé.
Le déguisement était vraiment bien réussi, même si peut-être un peu exagéré. Mais il ne m’aurait pas. La capture serait pour une autre fois.
Je me suis rapidement réfugié dans la boutique la plus proche. Ils utilisent un déguisement de clochard? Les clochards ne sont pas bienvenus dans les boutiques! Ha!
… Hum… une pensée vient de me traverser l’esprit. Est-ce avec un tel déguisement qu’ils parviennent à financer leurs activités?